mardi 24 avril 2012

L'entreprise France

Ce dimanche 22 avril 2012 plus de 34 millions de français (soit 80%) se sont déplacés pour voter et élire le Président de la République. Rendons hommage à ces millions de personnes qui, pour certaines, ont sacrifié un week-end voire leurs vacances pour accomplir leur devoir de citoyen. Même si une voix prise en elle-même a peu d’importance par rapport aux millions d’autres, reconnaissons que c’est une satisfaction intense de pouvoir participer et être citoyen dans le pays dans lequel nous vivons.
Certains ont voté en fonction de leur famille politique, d’autres du capital sympathie que dégage le candidat, d’autres pour des raisons d’intérêt personnel, d’autres pour éliminer un candidat, d’autres sur le programme ou pour mille autres raisons… mais tous de bonne foi. Cependant, qu’on le veuille ou non, il est difficile d’avoir un jugement juste. Pour ce faire il faudrait avoir la maîtrise de tous les problèmes à la fois (éducation, armée, politique étrangère, social…). Et çà, personne ne l’a, pas même le Président de la République ! Va-t-on pour autant remettre en question le suffrage universel, la démocratie ? 

Certains lient la démocratie à la démagogie mais à la lecture des programmes on s’aperçoit qu’on nous promettaient beaucoup, entre autres Nathalie ARTHAUD l’interdiction des licenciements, Jacques CHEMINADE des classes de 15 à 25 élèves maximum, Nicolas DUPONT-AIGNAN la suppression des péages sur les autoroutes déjà amorties, Philippe POUTOU le SMIC à 1 700 € nets et la retraite à 60 ans … Et compte tenu de toutes ces promesses plutôt alléchantes, Nathalie ARTHAUD n’a obtenu que 0,58%, Jacques CHEMINADE 0,25%, Nicolas DUPONT-AIGNAN 1,81%, Philippe POUTOU 1,17%. On peut donc conclure que l’électeur est bien plus responsable qu’on veut bien nous le faire croire et qu’il sait peser le pour et le contre. Ce qui est valable pour l’entreprise France l’est aussi pour n’importe quelle entreprise. Pourquoi, au moins une fois tous les cinq ans, les salariés ne pourraient-ils pas élire leur patron avec un droit de vote équivalent à celui des actionnaires ? cf. billet n°1 http://refondationducapitalisme.blogspot.fr/2009_04_01_archive.html 

Certes, quel que soit le système, les risques d’erreur sont importants ; mais ne sont-ils pas les mêmes au sein d’un conseil d’administration où il y a souvent des clans chez les actionnaires qui font que le choix du patron n’est pas toujours le plus judicieux ?

Certains mettent en avant que les salariés n’ont peut-être pas les connaissances requises pour choisir leur patron ; faut-il donc en conclure que le salarié actionnaire chez Auchan ou Bouygues est plus intelligent que le salarié travaillant dans une entreprise ne pratiquant pas l’actionnariat ? Non ! Il n’est pas plus intelligent mais tout simplement plus responsable sans compter que la démocratie dans l’entreprise oblige à une meilleure information et communication.

D’autres évoquent le risque de démagogie dans l’entreprise. Mais, dans ce cas, il est pratiquement inexistant parce que l’élection d’un chef d’entreprise n’entraîne pas les mêmes conséquences directes que l’élection d’un homme politique : là, il en va de son emploi, de son salaire et même quelques fois de la survie de l’entreprise. De plus, ce type d’élection donnerait priorité à un homme de communication.

Mais au fait, qu’attend-on au juste d’un chef d’entreprise aujourd’hui ? Des compétences techniques ? Il y pour cela des ingénieurs et certainement plus compétents… Un génie marketing ? Il y a pour cela – à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise – des personnes qui ont ce génie. Le profil du chef d’entreprise des années à venir sera à n’en pas douter celui d’un guide qui rassemble les hommes, d’un homme de sagesse qui a le souci de préserver les intérêts de tous sans privilégier ceux de certains, donc un homme de communication et non pas un manipulateur.

Quand on sait que la motivation des hommes fera plus tard la différence dans la compétition économique, la démocratie dans l’entreprise est devenue une urgence non plus seulement pour des raisons de dignité mais aussi de performance.

mardi 17 avril 2012

D’une dictature à l’autre

Comme beaucoup de gens j’ai suivi « Des paroles et des actes » , cette émission télé parallèle à la campagne officielle, où chaque candidat à la présidentielle a eu pendant quinze minutes une nouvelle opportunité de mieux se faire connaître et de présenter son programme. On a plus particulièrement découvert ceux qu’on appelle les « petits candidats »  (Nathalie Arthaud, Jean-Claude Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Poutou) et même si leur programme a été loin d’être convaincant, certains ont séduit par leur sympathie et leur sincérité – je pense tout spécialement à Philippe Poutou. On a pu constater que chaque candidat avait le souci du bonheur des français, sa part de vérité, dénonçait la dérive financière mais avait sa propre réponse. Dans ce domaine, c’est peut-être Nathalie Artaud qui a été la plus radicale pour ne pas dire agressive : elle a dénoncé la dictature des patrons et proposé la dictature du prolétariat.

Mais pourquoi faut-il passer d’un extrême à l’autre ? Pourquoi n’y aurait-il pas un juste milieu entre le pouvoir des patrons et le pouvoir des salariés ? Pourquoi faut-il qu’on soit systématiquement dans l’agression de l’autre ? Dans le bien ou le mal ? Pourquoi ne pas proposer un système économique où il y aurait égalité de pouvoir entre les salariés et les patrons ?

C’est ce que j’ai fait pendant plus de vingt ans dans mon entreprise. La pierre angulaire de cette égalité de pouvoir passait par l’élection du patron par une assemblée composée pour moitié de tous les salariés qui avaient chacun une voix et pour moitié des actionnaires qui avaient autant de voix que les salariés mais, à la différence des salariés, des voix proportionnelles à leur apport en capital http://refondationducapitalisme.blogspot.fr/2009/04/le-patron-note-et-elu-par-ses-salaries.html ; j’ai en effet voulu respecter la hiérarchie des actionnaires car je pense qu’une personne qui a 30% ou 40% du capital doit avoir un droit de regard plus important que celle qui en a 1%. Pour être élu, il fallait une majorité des ¾ des voix ce qui suppose l’adhésion des deux partenaires principaux de l’entreprise. Cette élection était assortie de procédures garantissant l’égalité de pouvoir entre les actionnaires et les salariés. Entre autres règles, je m’étais fixé celle de ne pas vendre plus de 10% de mes actions sans l’accord du personnel. Pour l’information du personnel, j’avais mis en place des conseils de gestion dans lesquels on pouvait débattre des résultats de l’entreprise, de son organisation, des investissements, des salaires… Chaque sujet débattu était suivi d’un vote mais seulement consultatif ; je n’étais pas obligé de tenir compte de ce vote. Tenant la légitimité de mon autorité d’un mandat donné par les deux partenaires de l’entreprise, entre autres, les salariés, éthiquement, cela ne me dérangeait pas ; de plus, cela me permettait d’avoir davantage de souplesse dans la gestion de l’entreprise.

Ce système ne peut être fiable que dans une moyenne ou grande entreprise puisque la pierre angulaire en est la remise en question du patron : difficile de remettre en question le patron d’une petite entreprise sans remettre en question l’entreprise elle-même. Par contre, on pourrait bien imaginer que dans une grande entreprise les actionnaires désignent le patron et que ce choix soit validé sous forme de référendum par tous les salariés. Peu importe la forme, l’important c’est une égalité de pouvoir entre les actionnaires et les salariés.

Dommage que personne n’en parle dans cette élection présidentielle ! On va d’un excès à l’autre : on passe de la dictature financière – que nous connaissons aujourd’hui - à la dictature salariale – solution totalement utopique ; on banalise la confrontation dans l’entreprise alors qu’on attend des hommes politiques les réponses pour que chacun soit mieux au travail  et grandisse en responsabilité et en dignité.




mardi 10 avril 2012

Sauve qui peut



«Sauve qui peut» c’est le titre de l’excellent reportage sur l’entreprise DESCAMPS diffusé le 03 avril sur France 2 http://www.pluzz.fr/sauve-qui-peut-2012-04-03-22h50.html.
Dans ce documentaire Clarisse FELETIN nous fait vivre l’agonie de la maison DESCAMPS qui a été le fleuron français de l’industrie textile et le dernier fabriquant des serviettes éponges en France.
On assiste au dépôt de bilan du 26 juin 2010 qui a été précédé de plans sociaux à répétition et de la fermeture de quatre usines du Groupe, toutes délocalisées en Asie. Au moment du dépôt de bilan, il reste 100 personnes inquiètes à l’usine de Régny dans la Loire.
Comme il se doit, c’est le Tribunal de Commerce – en l’occurrence celui de Paris – qui va statuer sur le sort de l’entreprise DESCAMPS et attendre des appels d’offres de reprise.

Trois offres paraissent sérieuses.

Un plan de continuation (le repreneur s’engage à payer tous les fournisseurs et souvent achète l’entreprise pour un euro symbolique).
Il est proposé par Matéo ZUCCHI, l’un des représentants de la dynastie italienne du même nom (leader européen du linge de maison), actionnaire de l’entreprise DESCAMPS. Ce plan de continuation verrait la venue d’un nouveau partenaire,  le Groupe « Astrance Capital » dont Pascal LAUFFER est Président et qui, dans un premier temps, limiterait les licenciements à 38 personnes.

Un plan de cession (le repreneur achète l’actif mais n’a plus à payer le passif et entre autres les fournisseurs).
Cette offre est faite par « Maison de la Literie » leader français du lit qui a un réseau très étoffé de magasins et dont le PDG Fondateur Pierre ELMALEK s’engage à garder tout le personnel et à développer l’activité.
Cette offre satisfait tellement les salariés de DESCAMPS qu’elle leur arrache un « trop beau pour être vrai » !

Un nouveau plan de cession, proposé par le Baron PETIET Président de « Krief  Group » qui a pour seul souci de profiter de la notoriété de la marque DESCAMPS et délocaliser la production en Chine pour en faire le leader mondial dans son domaine d’activité.

A ce moment du reportage on pense que tout est clair et que « Maison de la Literie » sera désignée par le Tribunal de Paris pour reprendre la Maison DESCAMPS. Mais la famille ZUCCHI ne veut pas en rester là et, à l’étonnement du Tribunal, des Avocats et de l’Administrateur judiciaire, nomme Pascal LAUFFER à la tête du Groupe DESCAMPS qui, de ce fait, devient juge et partie : il a en effet maintenant à la fois la « casquette » du Président DESCAMPS et  la « casquette » du Président « d’Astrance Capital » qui veut reprendre DESCAMPS ! On arrive à la situation paradoxale qu’il connaît toutes les offres faites par ses concurrents et leur fait même visiter l‘usine ! Malgré ce « coup fourré » les salariés restent confiants et pensent que le Tribunal va statuer en faveur de « Maison de la Literie ». Mais, coup de théâtre ! Le Tribunal apprend que le frère du Président de « Maison de la Literie » est juge au Tribunal de Paris mais pas dans la même Chambre et, ne voulant pas risquer la critique d’un soi-disant manquement à l’Ethique, préfère lâchement se dessaisir du dossier, à la grande déception des salariés de DESCAMPS. Deux mois après, le dossier DESCAMPS est repris par le Tribunal de Bobigny : retard fort préjudiciable à sa bonne gestion car, entre temps, le passif s’est aggravé. A la stupéfaction générale et au grand désarroi des salariés, « Astrance Capital » est désigné pour reprendre l’entreprise. Les salariés très mécontents font appel de la décision du Tribunal de Bobigny mais la Chambre d’appel confirme la décision.

Résultat : 23 licenciements immédiats et 6 mois plus tard mise au chômage des ouvriers restants. Le Groupe « Astrance Capital » ne respecte pas du tout ses engagements mais la justice ne peut rien faire. Le Groupe « Astrance Capital » et le Groupe ZUCCHI vont bien, leur cours en bourse a augmenté ! Le bonheur des uns fait le malheur des autres.

Quelle leçon tirer de cette lamentable affaire ?
Si les salariés de DESCAMPS avaient eu le droit de désigner leur patron, certainement que Pascal LAUFFER ne l’aurait pas été !
Si les salariés de DESCAMPS avaient eu le droit de veto pour s’opposer à la décision du Tribunal de Bobigny, « Maison de la Literie » aurait certainement été désignée.
Mais malgré cette évidence, les syndicats de tous bords… ne veulent pas entendre parler  de démocratie dans l’entreprise et d’égalité de pouvoir entre salariés et actionnaires sous prétexte de ne pas instaurer une collaboration malsaine avec les patrons ! Combien de leçons faudra-t-il pour qu’ils comprennent enfin que la démocratie dans l’entreprise est la meilleure réponse pour faire face au pouvoir financier ?





mercredi 4 avril 2012

Mes trois piliers

On me demande souvent comment m’est venue l’idée d’instaurer la démocratie dans l’entreprise. En fait elle repose sur trois « piliers ».

Un pilier très personnel, celui de mes valeurs.
Je suis croyant et j’ai l’intime conviction que chaque homme a une dimension sacrée, qu’il a un besoin aussi fondamental que celui de respirer et de se nourrir, c’est celui  d’aimer, d’être aimé et d’être respecté ; ce qu’on peut aussi appeler la dignité. J’ai aussi l’intime conviction que l’homme est le seul être vivant libre et qu’à la différence de l’animal il a la conscience. Dans le « contrat social », Jean-Jacques Rousseau dit que renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme. En terme de management, ce besoin de respect et de dignité se concrétise par le besoin de reconnaissance. Pour satisfaire ce besoin, on informe le salarié, on le responsabilise, on le rémunère et on l’implique dans les décisions qui le concernent. Si l’on va au bout de cette logique dans le respect de la dignité du salarié, il doit être impliqué directement ou indirectement dans la stratégie de l’entreprise et dans le choix de son patron et ne plus être considéré comme un sujet voire un pion ou un moyen.

Un deuxième pilier qui est d’ordre « politique » mais n’a aucune connotation politique au sens où j’ai toujours eu un attachement et un très grand respect pour le Général de Gaulle sans pour autant adhérer à tout ce qu’il a dit ou fait et encore moins à ceux qui se réclament de lui. En 1968, le Général De Gaulle a employé un mot très fort, celui de « participation ». A l’époque je n’étais pas encore patron mais j’ai compris que derrière cette idée il y avait quelque chose d’important qui allait au-delà de la simple participation financière comme beaucoup ont voulu le comprendre… Je me disais « si un jour j’ai la chance d’être patron, j’explorerai cette « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme ».

Un troisième pilier qui est de l’ordre du bon sens.
Dans l’entreprise, il y a deux partenaires principaux : les actionnaires qui amènent du capital et les salariés qui amènent leur travail, leurs compétences et leur génie. Ces deux partenaires sont complémentaires et indissociables. Alors, pour qu’une équipe fonctionne bien et optimise les compétences de chacun dans n’importe quel domaine, il faut qu’il y ait une estime et un respect mutuels de chaque partenaire et une égalité de droits et de devoirs. Or, aujourd’hui, cet équilibre n’est pas respecté dans l’entreprise ; il y a un partenaire « actionnaires » qui a tous pouvoirs dans l’entreprise (investir, délocaliser, licencier, recruter…) et un autre « salariés » qui fait pourtant la richesse de l’entreprise et n’a aucun pouvoir hors mis celui du code du travail et le pouvoir de violence qu’est la grève. Créons donc les conditions pour que ces deux partenaires principaux soient à égalité de droits et de devoirs dans l’entreprise.

 

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...