mardi 30 novembre 2010

L’Europe en morceaux



La crise de l’euro est révélatrice de la fragilité de l’Europe.
La faillite de la Grèce, puis de l’Irlande - en attendant, comme certains le craignent, celle du Portugal et de l’Espagne - nous permettent de mesurer l’écart énorme de la gestion économique des pays composant l’Europe. Malgré des engagements de tous de limiter le déficit à 3% du PIB, voilà le constat que l’on peut faire aujourd’hui : l’Irlande en est à 32%, la Grèce à 9,3%, le Portugal à 8,5%, l’Espagne à 9,8%, la France à 7,7% ; l’Allemagne s’en tire mieux avec 3,4%. Cette disparité dans la gestion sociale et économique des pays explique en grande partie la crise de l’euro. C’est la cigale et la fourmi.

On ne peut rien construire de solide si l’on ne se plie pas à des règles communes et parmi celles-ci, dans la logique de la construction de l’Europe - et plus encore des pays se réclamant de la zone euro - on était en droit de s’attendre à ce que les mesures concernant les entreprises soient communes, ne serait-ce que pour préserver l‘égalité de chance de chacune dans la compétition européenne. Or, que constate-t-on sur le taux d’imposition des sociétés ? (source : Eurostat. OCDE ) Qu’en France on en est à 34,4% du bénéfice, en Italie à 31,4%, en Espagne à 30%, en Allemagne à 29,8%, en Grèce à 21,4% et en Irlande à 12,5%. Cette disparité non seulement fausse les règles de la compétition mais encore relève de la subvention cachée ; une entreprise domiciliée en Irlande paye moins d’impôts que celle domiciliée en France, ce qui lui donnera un avantage économique important. Or, quand on connaît la susceptibilité de la Cour européenne de justice et sa promptitude à réagir devant toute subvention illégale (voir Airbus, Raynair, Telecom…) on est en droit de se demander la valeur de son contrôle…

Pourtant, cette homogénéité dans le traitement des entreprises aurait non seulement le mérite de clarifier les règles de la compétition économique européenne mais encore – si on l’étend au Niveau du G20 – d’assainir la compétition économique mondiale. On se bat comme des chiffonniers sur la parité des monnaies pour préserver la compétitivité des entreprises (ce fut l’échec retentissant du G20 de Séoul) mais on n’évoque même pas la possibilité d’aligner les impositions fiscales des entreprises ce qui résoudrait en partie le problème des paradis fiscaux.

Et on a le droit de rêver : si l’on étendait ce souci d’alignement au niveau des salaires et des charges (après tout, pourquoi pas un SMIC européen ?) on établirait les fondements pour une Europe sociale.
C’est un des objectifs de la refondation du capitalisme.





mardi 23 novembre 2010

Les grands hommes : une espèce rare


Ce 02 novembre 2010, Barack Obama a reçu une « raclée » magistrale lors des élections de mi-mandat renouvelant les représentants du Congrès et du Sénat américains. Il a perdu la majorité au Congrès (190 démocrates pour 242 républicains) et n’a plus qu’une courte majorité au Sénat (52 démocrates pour 47 républicains) ce qui l’oblige à tendre la main aux républicains et à mettre « en veille » ses ambitions pour changer l’Amérique. On ne peut que déplorer cet état de chose hors mis les lecteurs du Figaro qui selon un sondage publié le 05 novembre 2010 sont à 50% satisfaits des résultats des élections américaines.

Pour l’Amérique et pour le monde, Barack Obama était un réel espoir pour une Amérique plus sociale et un monde en paix. A priori, ses électeurs ne l’ont pas compris ; il est vrai que la conjoncture est loin d’être favorable avec une croissance en berne et une hausse du chômage…Et puis, les mesures déjà prises sont loin de faire l’unanimité : interdiction pour les banques de spéculer pour leur compte, décision de ne pas reconduire les avantages fiscaux mise en place par Georges W. Bush pour les individus gagnant plus de 200 000 dollars par an et enfin extension de l’assurance santé à trente deux millions de personnes (ce qui va augmenter les tarifs de cotisation des personnes déjà assurées).

Alors, qu’aurait du faire Barack Obama pour inverser la tendance ? Tout simplement faire comprendre qu’il avait été élu sur un programme et que pour l’appliquer il avait besoin de disposer d’une majorité au Congrès et au Sénat et que si le peuple américain ne lui donnait pas ces moyens il devait en tirer les conclusions et se retirer. C’est ce qu’aurait fait et qu’a fait De Gaulle lorsqu’il a donné sa démission après le vote négatif du référendum de 1969 sur la participation. Certains pensent que c’est du chantage : pas du tout ! C’est la différence entre celui pour qui le pouvoir est une finalité et celui pour qui le pouvoir est un moyen, c’est la marque d’un grand homme.

Dans cette logique Barack Obama aurait du démissionner. Quelle leçon d’humilité, d’honnêteté et de devoir il aurait donnée aux Américains et au monde entier ! Il faudra des hommes de cette trempe pour refonder le capitalisme ! Avons-nous aujourd’hui cet « oiseau rare » ? Rien de moins sûr !





mardi 16 novembre 2010

De Gaulle … son œuvre inachevée


A l’occasion du quarantième anniversaire de la mort du Général de Gaulle tous les médias (TV, radios, presse écrite…) ont été prolixes en reportages sur sa vie. Bien sûr, on a parlé de l’homme du 18 juin, du fondateur de la cinquième république, du décolonisateur, du père de la bombe atomique française et de l’industrialisation de la France. Mais on n’a jamais ou très peu parlé de l’homme de la Participation. Pourtant, là-dessus, le Général de Gaulle avait une réelle vision. Toute sa vie il cherchera à trouver un système nouveau, une « troisième voie » entre le capitalisme et le communisme.

Déjà, en 1948, dans un discours prononcé à Marseille le 17 avril, on peut lire « Oui ! L’association qui placera dans l’entreprise sur le même plan de dignité tous ceux qui contribuent à l’œuvre économique commune, fera que l’ingénieur, l’agent technique, l’ouvrier, l’employé, à tout échelon, seront des sociétaires, et fera du patron aux yeux de son personnel, non point l’homme qui paie, mais le chef, dont la valeur, l’indépendance, l’autorité sont nécessaires à l’avantage de tous »

Remarquons qu’à l’époque De Gaulle ne parlait pas de participation mais d’association.

Puis, le 1er mai 1950, dans un discours prononcé sur la pelouse de Bagatelle, voilà ce que dit le Général :
« Un jour, la machine apparut. Le capital l’a épousée. Le couple a pris possession du monde. Dès lors, beaucoup d’hommes, surtout les ouvriers, sont tombés sous sa dépendance. Liés aux machines quant à leur travail, au patron quant à leur salaire : ils se sentent moralement réduits et matériellement menacés. Et voilà la lutte des classes ! Elle est partout, aux ateliers, aux champs, aux bureaux, dans la rue, au fond des yeux et dans les âmes, elle empoisonne les rapports humains, affole les Etats, brise l’unité des nations, fomente les guerres. Car c’est bien la question sociale, toujours posée, jamais résolue, qui est à l’origine des grandes secousses subies depuis trente cinq ans. Aujourd’hui, c’est la même question toujours posée, jamais résolue, qui pousse le monde vers un drame nouveau ».

Ces propos sont toujours d’actualité en 2010.

Et enfin le 07 juin 1968, lors d’un entretien radiodiffusé et télévisé avec Michel Droit, voilà ce qu’on peut relever « … L’ouvrier n’a pas pris sur son propre destin, comme pour les fourmis la fourmilière et pour les termites la termitière. Naturellement, ce sont les régimes communistes qui en viennent là surtout et qui encagent tout un chacun dans un totalitarisme lugubre. Mais le capitalisme lui aussi, d’une autre façon, sous d’autres formes, empoigne et asservit les gens. Comment trouver un équilibre humain pour la civilisation, pour la société mécanique moderne ? Voilà la grande question de ce siècle !
(…) Le capitalisme dit : grâce au profit qui suscite l’initiative, fabriquons de plus en plus de richesses qui, en se répartissant par le libre marché, élèvent en somme le niveau du corps social tout entier. Seulement voilà : la propriété, la direction, le bénéfice de l’entreprise dans le système capitaliste n’appartiennent qu’au capital. Alors, ceux qui ne le possèdent pas se trouvent dans un état d’aliénation à l’intérieur même de l’activité à laquelle ils contribuent. Non, le capitalisme du point de vue de l’homme ne trouve pas de solution satisfaisante.
Il y a une troisième solution : c’est la Participation qui, elle, change la condition de l’homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que des gens se mettent ensemble pour une œuvre économique commune, par exemple, pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s’agit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérêt à son rendement et à son fonctionnement et un intérêt direct. Cela implique que soit attribuée par la loi à chacun, une part de ce que l’affaire gagne et de ce qu’elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d’une manière suffisante de la marche de l’entreprise et puisse, par des représentants qu’ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions. C’est la voie que j’ai toujours cru bonne. C’est la voie dans laquelle j’ai fait déjà quelques pas ; par exemple en 1945, quand, avec mon gouvernement, j’ai institué les comités d’entreprises, quand, en 1959 et en 1967, j’ai, par des ordonnances, ouvert la brèche à l’intéressement. C’est la voie dans laquelle il faut marcher.
(…)
M. Michel Droit :
Oui ! Mais alors, mon Général, il y a vraiment une question qu'on a envie de vous poser. Cette Participation à laquelle vous tenez tant, pour laquelle vous avez tellement milité déjà, pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas faite plus tôt ?
Le Général de Gaulle :
Parce qu'une pareille réforme, personne et moi non plus ne peut la faire tout seul. Il faut qu'elle soit suffisamment consentie et il faut que les circonstances s'y prêtent. Alors, c'est vrai, malgré les quelques pas que j'ai pu faire dans cette direction, jusqu'à présent, nos structures et nos milieux, et en particulier ceux du travail, ont résisté à ce changement-là. Seulement, il y a eu maintenant une secousse et une secousse terrible (Mai 1968 - NDLR) qui a dû ouvrir les yeux de beaucoup de monde. Si bien que parce que c'est juste, parce que c'est vital et parce que maintenant, grâce à cette secousse, les circonstances s'y prêtent, on doit pouvoir marcher carrément dans cette voie-là; il faut le faire, quant à moi, j'y suis très résolu.
M. Michel Droit :
Mon Général, vous venez de dire que certains milieux et notamment ceux du travail s'étaient toujours opposés à la Participation. Il est vrai que les travailleurs ou, tout au moins, ceux qui parlent en leur nom ont toujours plus ou moins considéré que la Participation dont vous parlez c'était du vent, c'était du bluff - si vous voulez bien excuser l'expression -. Or, telle que vous la définissez on a l'impression que pour vous c'est au contraire une sorte de révolution. Dès lors on se demande tout de suite: la Participation, est-ce que c'est du vent ? Est-ce que c'est du bluff ? Ou est-ce que c'est vraiment une révolution ?
Le Général de Gaulle :
Si une révolution, ce sont des exhibitions et des tumultes bruyants, scandaleux et, pour finir, sanglants, alors non ! La Participation, ce n'est pas une révolution. Mais si une révolution consiste à changer profondément ce qui est, notamment en ce qui concerne la dignité et la condition ouvrières, alors, certainement, c'en est une. Et moi, je ne suis pas gêné dans ce sens-la d'être un révolutionnaire comme je l'ai été si souvent» .

Malheureusement le non au référendum de 1969 a mis un point final à ce beau dessein. Sachons reprendre le flambeau. Plus que jamais cette ambition de Participation est d’actualité. Il en est de notre devoir. Cela passera par la refondation du capitalisme.






lundi 8 novembre 2010

Francisco Van der Hoff, prix Nobel de la Paix !



Oui, cofondateur du commerce équitable (1980) et du label Max Havelaar (1988) avec l’économiste hollandais Nico Roozen, Francisco Van der Hoff mérite largement le prix Nobel de la Paix comme l’avait mérité Muhammad Yunus, le père du micro-crédit et de la banque des pauvres.

Quelle œuvre considérable accomplie par ce Père hollandais aujourd’hui âgé de 71 ans et fait chevalier de la Légion d’honneur en 2005 par Jacques Chirac ! Grâce à lui, plus d’un million de familles sont désormais à l’abri de la faim et de la pauvreté. Il a su redonner dignité à ces modestes travailleurs. Par son action, Francisco Van der Hoff a démontré qu’un monde différent pouvait exister et que le capitalisme pouvait évoluer.

Un capitalisme basé sur une relation respectueuse de l’homme où la loi du marché est remplacée par la loi de la solidarité, où les produits ne sont plus payés en fonction de l’offre et de la demande mais des besoins des producteurs pour nourrir correctement leur famille, instruire leurs enfants et les soigner quand ils sont malades. Le commerce équitable progresse régulièrement de 22% par an, preuve que ses bases sont saines et qu’elles répondent au besoin d’un monde plus équitable.

Francisco Van der Hoff dénonce avec force la charité « la charité, c’est poser un pansement sur une plaie que l’on a soi-même ouverte, un cercle vicieux » cf. « La machette, le café et le goupillon » dans le JDD du 10 octobre 2010 charité qui donne bonne conscience à bon compte (cf billet du 27.07.10
Pourquoi le prix Nobel de la Paix ne lui a-t-il pas encore été attribué ?
Nous trouvons en partie la réponse dans son essai « Le manifeste des pauvres » paru cette année aux éditions « Encre d’Orient » pour 9€ et dont voici quelques extraits :
p.10 « Je crois qu’une autre organisation est possible parce que le capitalisme n’est rien de plus que l’organisation systématique et légale des injustices, des inégalités et des exclusions, parce que les démocraties existantes sont fictives. Ce sont des simulacres qui servent des intérêts particuliers et privés. Seuls ceux qui ont la capacité de survivre s’en sortent, jamais les plus faibles.(…)
p.19 « Le capitalisme actuel est en effet une sorte d’aliénation par une religion, celle du marché libéral, du marché devin, il a inventé sa propre idiosyncrasie séculaire, et a ainsi perdu tout horizon moral, toute idée d’éternité. Et c’est un désastre pour toute l’humanité. La richesse et le pouvoir sont montés sur le trône de ces dieux déchus. Les discours politiques, la propagande et les médias de masse les nourrissent. »

On comprend qu’après de tels propos – que j’approuve, et comment ! - les « initiés » du Nobel de la Paix hésitent à lui donner ce prix ! Mais espérons qu’ils reviennent à un meilleur discernement ! Ce serait un grand pas pour changer les mentalités.

lundi 1 novembre 2010

Un accord syndical de rêve !


Le 22 septembre 2010 la Direction de Siemens et le syndicat IG Mettall ont annoncé la signature d’un accord concernant 128 000 salariés allemands : il n’y aura pas de licenciements ni de délocalisation ou de fermeture de site sans l’accord du Comité Central d’Entreprise (CCE). En somme une garantie d’emploi à vie. Outre une sécurité de l’emploi illimitée dans le temps, cet accord renforce également la cogestion en prévoyant de nombreuses informations et la consultation du personnel dans les décisions d‘investissement, les projets de restructuration et les décisions de localisation des activités.

Devant cet accord, Berthold Huber, chef du puissant syndicat IG Mettall, a déclaré sa satisfaction : « les nouveaux accords donnent aux salariés de Siemens une sécurité et une protection de l’emploi pour les changements dans l’avenir, et Siemens continue de faire preuve de responsabilité sociale envers son personnel ». Dans cet accord, Siemens trouve aussi son intérêt. Dieter Scheitor, membre du conseil de surveillance a déclaré lors de la conférence de presse tenue après la signature de l’accord : « grâce au pacte, Siemens va pouvoir attirer les jeunes diplômés. Il va aider Siemens dans sa recherche de talents à tous les niveaux ».

Un syndicaliste qui félicite la direction d’une entreprise, un dirigeant qui se félicite d’un accord syndical, cela peut paraître irréel en France, de quoi faire rêver nos leaders syndicaux et notre Medef ! Quand, en plus, on sait que les salariés de Siemens avaient accepté le recours au chômage partiel et la réduction de salaire, on mesure tous les bénéfices qu’ apporte la cogestion même si l‘on peut émettre des réserves à ce sujet (cf. billet du 12.01.10 dans ce Blog.
A l’heure où la France vit des grèves à répétition l’exemple allemand nous interpelle ; n’y aurait-il pas une autre voie pour l’entreprise où nous aurions deux partenaires et non plus deux adversaires ?
C’est la pierre angulaire de la refondation du capitalisme.









Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...