mardi 26 janvier 2010

Haïti : un drame peut en cacher un autre



Deux évènements apparemment sans aucune relation se sont récemment télescopés.

Suite au terrible tremblement de terre en Haïti, la communauté internationale s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés. Bernard Kouchner a accéléré les procédures d’adoption pour 276 enfants haïtiens pour lesquels un jugement positif avait été prononcé ; pour les 628 enfants dont les dossiers n’étaient pas clos, le Quai d’Orsay étudiera avec les autorités haïtiennes « toutes les solutions envisageables pour parvenir à leur aboutissement avec les meilleures garanties possibles et dans le strict intérêt supérieur de l’enfant ». On ne peut que féliciter le Premier Ministre et le Ministre des Affaires étrangères de cette démarche humanitaire.

L’autre événement s’est passé sur les plages corses. 124 clandestins ont débarqué près de Bonifacio dont 38 enfants, 9 nourrissons, une personne handicapée et une femme enceinte. On les a immédiatement conduits vers des centres de rétention dans le but affiché de les renvoyer dans leur pays d’origine après avoir examiné leur cas. Par non respect des procédures, ces clandestins ont été remis en liberté mais à terme ils n’échapperont pas au renvoi dans leur pays…

Quel lien entre ces deux évènements ? L’accueil par la France de personnes en difficulté. D’un côté, la prise en charge complète d’enfants haïtiens et de l’autre des enfants traités comme des criminels.
Pourquoi cette différence de traitement ? Parce que le problème des uns a été médiatisé par le tremblement de terre alors que le problème des autres est perçu comme une « agression ». La mobilisation pour les Haïtiens a été sans précédente : les américains, les chinois, l’Europe et bien sûr la France se sont précipités pour aider Haïti dans le chaos. On a assisté à une surenchère indécente de solidarité : on se pousse du coude pour mettre sa générosité en avant. A la limite, on ne peut que se féliciter de ce phénomène, mais avant ce tremblement de terre combien d’entre nous étaient-ils au courant qu’Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde ? Selon les dernières informations de la Banque mondiale, 55% de la population haïtienne vit avec moins de 1 dollar par jour et 70% avec moins de 2 dollars quotidiens. Qui n’a pas vu à la télévision des femmes fabriquer des galettes avec de la terre pour tromper la faim ? Selon le rapport des Nations Unies pour 2009 sur le développement humain, Haïti est à la 149ème place sur 182. Combien sommes-nous à savoir qu’il y a encore beaucoup d’autres « Haïti » sur notre Planète ? Je citerai le Sierra Leone, la Tanzanie, l’Ethiopie, la Somalie, etc. Que fait-on pour eux ? Où est la mobilisation humanitaire ? Pire encore : la détresse de ces pays n’est pas provoquée par une catastrophe naturelle mais par notre égoïsme, celui des pays riches. A part quelques ONG, personne ne joue des coudes pour les aider ! Sait-on que la faim et la malnutrition provoquent des souffrances humaines atroces, tuent chaque année plus de 7 millions d’enfants ? (source FAO).

Faut-il donc qu’il y ait des catastrophes naturelles pour que nous nous mobilisions ? Faut-il faire appel à nos émotions pour que nous réagissions ? Sortons d’une société qui ne marche qu’à l’émotion et à l’affectif. N’y a-t-il pas chez l’homme un autre moteur plus puissant, celui de L’Amour et du don de soi ? A quand la création d’un impôt mondial affiché comme tel qui aurait le double mérite de financer l’aide aux pays pauvres et surtout le mérite principal de nous sensibiliser et de nous impliquer dans notre devoir de solidarité envers eux ?





mercredi 20 janvier 2010

Courage politique ou gesticulation ?


Deux évènements importants et particulièrement encourageants pour la refondation du capitalisme viennent de se passer en ce début d’année 2010 : la colère d’Obama contre les traders et le refus affirmé de Sarkozy que la fabrication de la Clio IV soit délocalisée en Turquie.

Plutôt sympa la démarche d’Obama instaurant une taxe - baptisée « taxe sur la responsabilité de la crise financière » - de 0,15% sur le total du bilan d’une cinquantaine de banques, destinée à compenser l’effort du contribuable américain en faveur du secteur financier ; taxe d’une période minimale de dix ans et qui devrait rapporter plus de 100 milliards de dollars.
Plutôt sympa le discours d’Obama disant « je suis déterminé à imposer cette surtaxe après les annonces relatives aux profits massifs et aux bonus obscènes d’établissements qui ne doivent leurs survie qu’au peuple américain alors que ce dernier continue d’être spolié et de souffrir de cette récession ». Dans le pays du capitalisme et du libéralisme par excellence on ne peut qu’apprécier l’importance du changement : c’est un tsunami ! Plutôt courageuse l’attitude d’Obama qui risque de s’attirer l’hostilité des républicains dans cette période difficile où il doit faire passer sa loi sur la réforme de la santé.

Plutôt sympa aussi Christine Lagarde qui taxe les bonus supérieurs à 27 500 euros réalisés par les opérateurs du marché payés depuis la France, taxe qui devrait rapporter 360 millions d’euros.
Plutôt sympa Sarkozy qui convoque à l’Elysée Carlos Ghosn pour qu’il s’explique sur le projet de délocalisation de la production de la Clio IV sur le site de Bursa en Turquie au détriment de l’usine de Flins dans les Yvelines alors que l’Etat vient d’accorder un prêt de 3 milliards d’euros pour sauver Renault.
Plutôt décevante cette réunion où Carlos Ghosn ne s’est engagé sur aucun chiffre et a seulement proposé qu’un représentant de l’Etat siège au comité stratégique. C’est le moins qu’on puisse proposer au premier actionnaire de l’entreprise en l’occurrence l’Etat qui possède 15% du capital.
Plutôt courageuse l’attitude de Sarkozy qui risque de s’attirer les foudres de Bruxelles voyant d’un mauvais œil cette immixtion de l’Etat dans une entreprise privée et qui risque aussi de s’attirer le mécontentement des instances patronales.

On ne peut que saluer cette salutaire révolte contre la logique économique. Mais quelle est la part de calcul politique et la part de sincérité ? Difficile à savoir ; seul l’avenir a la réponse qui montrera si ces mesures sont ponctuelles ou si elles s’inscrivent dans une démarche de fond de refondation du capitalisme.

mardi 12 janvier 2010

La démocratie dans l’entreprise : des pistes…


Dans l’article d’Antoine Reverchon « Partager autrement le pouvoir dans l’entreprise » dans Le Monde du 14.12.09 voilà ce qu’on lit : « un sondage de la BBC dans 27 pays, publié le 09 novembre, indique que 23% des personnes interrogées estiment qu’il faut changer de système et 51% que le capitalisme doit être réformé. Au-delà de mesures aussi ponctuelles que la taxation des bonus en 2010, les pistes ne manquent pas. Elles vont d’une meilleure prise en compte de la «responsabilité sociale » des entreprises au développement de formes alternatives, mutuelles ou coopératives. Mais certains juristes et experts vont plus loin, proposant une réforme radicale de la distribution du pouvoir entre actionnaires, dirigeants et salariés au sein des entreprises. »
Propos qui confortent notre conviction que c’est par la mise en place de la démocratie dans l’entreprise qu’on trouvera des réponses pour la refondation du capitalisme. Des pistes ont déjà été explorées, d’autres restent à inventer… Essayons de faire schématiquement le point en identifiant les avantages et les inconvénients de chacune.
Coopérative ouvrière (SCOP) : obligation pour les salariés de détenir 51% du capital. Le pouvoir est réparti selon la formule une voix un homme. Avantage : égalité totale entre les salariés actionnaires quel que soit leur apport en capital. Inconvénients : beaucoup (environ 30%) de salariés ne sont pas actionnaires et n’ont pas droit au chapitre ; peu de motivation des actionnaires à s’investir dans une entreprise où ils n’auront que peu de pouvoir. Un coopérateur qui décide de quitter la SCOP ne peut prétendre à valoriser ses parts : la SCOP lui remboursera ses parts sociales au nominal.
Cogestion à l’allemande : un conseil de surveillance composé pour moitié des représentants des actionnaires et pour moitié des représentants des salariés ; le président – qui a voix double - est coopté seulement par les actionnaires. Avantages : représentation effective des salariés au plus haut niveau de la direction de l’entreprise ; ils sont mieux informés et participent aux décisions. Inconvénients : une décision peut être prise sans l’accord des salariés puisque la voix du président fait la différence et qu’il est coopté par les actionnaires ; ce système ne concerne que les entreprises de plus de 2000 personnes et se limite à certaines activités.
Actionnariat : distribution gratuite d’actions à tous les salariés (Bouygues et Auchan sont exemplaires en la matière : 14% de leur capital est détenu par les salariés). Avantages : meilleure répartition des richesses (ce que l’entreprise ne peut pas donner sous forme de salaires parce qu’elle a besoin d’investir, elle le donne sous forme d’actions) ; meilleure implication des salariés dans la marche de l’entreprise car ils sont aussi propriétaires de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Inconvénients : la distribution d’actions est liée à la seule volonté des actionnaires et la plupart du temps, les salariés étant actionnaires minoritaires, ils ont peu de pouvoir dans la marche de l’entreprise. On est toujours dans le même schéma propriété-pouvoir alors que le seul fait d’être salarié doit donner un droit de regard sur la stratégie et le fonctionnement de l’entreprise.
Notation élection : chaque année tous les salariés notent la confiance qu’ils font à leur patron et en cas de non moyenne, élisent un nouveau PDG au ¾ des voix par une assemblée composée de tous les salariés (chacun une voix) et de tous les actionnaires (autant de voix que les salariés mais en proportion de leur apport en capital) cf. billet n°1 du 23.04.09 . Avantages : dans un premier temps, pas de perturbations dans l’entreprise et cela permet tous les « défoulements » ; dans un deuxième temps – si l’élection est nécessaire – le PDG tirera la légitimité de son autorité d’un mandat donné par les deux partenaires de l’entreprise. Inconvénient : ceci n’est applicable que dans les moyennes ou grosses entreprises (plus de 300 personnes).
Consultation annuelle simple : pour les PME on pourrait imaginer une simple notation annuelle du PDG ou du gérant, sans obligation de résultat et sans conséquences sur sa permanence dans le poste, mais avec obligation de publication. Avantage : mesure incitative à une gestion plus sociale. Inconvénient : le patron peut passer outre cette évaluation.
Election par approbation : système qui reste à expérimenter. Le conseil d’administration désigne un PDG et dans les six mois qui suivent, par référendum, les salariés sont appelés à valider ce choix. Avantage : pas de confrontation directe entre plusieurs candidats et donc pas de campagne électorale. Inconvénient : frustration des salariés qui ne peuvent pas proposer des candidats.
Election à candidature multiple : système qui reste aussi à expérimenter. Tous les cinq ou sept ans plusieurs candidats peuvent se présenter à l’ élection au poste de PDG au sein d’une assemblée composée pour moitié de tous le salariés et pour moitié des actionnaires qui auront autant de voix que les salariés mais en proportion de leur apport en capital ; pour être élu, le candidat devra obtenir les ¾ des voix C’est le même principe que la notation-élection mais la différence est qu’il n’y a pas la notation annuelle et que cette élection se fait à échéance fixe (tous les cinq ou sept ans). Avantage : égalité complète entre les salariés et les actionnaires pour présenter leur candidat. Inconvénient : risque de blocage pour les ¾ des voix, ce qui nécessiterait plusieurs tours de scrutin.

Comme on peut le voir les pistes ne manquent pas ; c’est la volonté et le courage qui font défaut. Osons espérer que nos leaders politiques, syndicaux, économiques, puissent prendre conscience de cette urgence à réformer l’entreprise.

mardi 5 janvier 2010

Bilan économique : cherchez l’erreur

Traditionnellement, le 31 décembre est consacré aux bilans en tous genres et entre autres, bien sûr, au bilan économique qui après cette grave crise financière, revêt une importance toute particulière. Dans les différents medias on peut lire que le 28 décembre 2009 le CAC 40 signe son record de l’année avec 3912 points – soit un bon de 22 % depuis le 1er janvier 2009 – et qu’une hausse de 10% est attendue. Le bilan sur le chômage est moins reluisant : le nombre de chômeurs inscrits au Pôle Emploi (catégorie A, B ou C) a progressé de 20,3% en une année soit 675 000 chômeurs de plus en un an pour atteindre 3 790 000 demandeurs d’emploi sans inclure ceux d’Outre-Mer. Ce sont les cadres qui ont été le plus touchés : leurs inscriptions au Pôle Emploi ont augmenté de 22% en un an soit 2 683 400 inscrits en catégorie A et les prévisions sont plutôt pessimistes.

A partir de ces deux bilans, quels constats pouvons-nous faire?
Premièrement il y a certainement un lien de cause à effet entre les licenciements et la remontée du CAC 40. Rien d’anormal à ceci dans la logique d’une société d’économie de marché où le salarié est une variable d’ajustement : la crise a généré une baisse d’activité et par là-même des suppressions d’emplois qui ont permis un rapide retour aux bénéfices. L’anomalie c’est que la crise est d’origine financière et les dommages humains.
Deuxième constat et certainement le plus riche d’enseignement : en cas de crise économique dans une entreprise, quelles qu’en soient les causes, ce sont les salariés qui sont en première ligne et risquent le plus.

Lorsque je parle de démocratie dans l’entreprise, on me réfute souvent que ce sont les actionnaires qui prennent le plus de risque et que c’est normal qu’ils aient le pouvoir ; c’est encore vrai dans les petites entreprises où le capital est en majorité détenu par le dirigeant mais c’est de moins en moins vrai dans les grandes comme le montrent ces statistiques. Raison de plus pour donner à ceux qui risquent davantage le moyen de se prémunir de ces risques par l‘accès au pouvoir, en devenant acteurs et non plus spectateurs de la pérennité de leur emploi, dit autrement en devenant des citoyens et non plus des sujets de leur entreprise cf. billet n°1 du 23.04.09
Qu’y a-t-il de plus grave ? Voir dévaloriser son capital ou perdre son emploi ? Plus on avance en âge, plus les conséquences d’une perte d’emploi sont graves ; retrouver un emploi à vingt ou trente ans est possible, mais dépassé la cinquantaine, c’est pratiquement impossible ; la rubrique des faits divers témoigne au quotidien de ces drames. Car, en termes de risques, ce sont bien les salariés qui sont en première ligne.

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...