dimanche 27 décembre 2009

La grève deviendra-telle illégale ?


On est en droit de penser à l’occasion de chaque grande grève que quelque chose ne tourne pas rond. Comment six cent personnes peuvent-elles aujourd’hui pénaliser près d’1,8 millions de franciliens ? Comment une grève des aiguilleurs du ciel peut-elle bloquer des milliers de voyageurs dans un aéroport ? Comment une grève de routiers peut-elle entièrement paralyser le réseau national ? Ce type de grève tellement impopulaire n’est-il pas appelé à disparaître voire à devenir illégal ? Aujourd’hui en effet on ne pourrait pas imaginer une grève qui priverait d’électricité des milliers de personnes. Conscient de cet anachronisme le gouvernement en a tiré le concept de « service minimum ».
Sans compter que ces mouvements de grèves dérapent souvent : menaces de faire sauter les usines (bombonnes de gaz…), saccages de bureaux ou d'ateliers, séquestrations... Et à juste titre on parle alors de chantage, de violence. Mais n'est-ce pas une violence qui répond à une autre violence, moins physique il est vrai, mais tout aussi grave si ce n'est plus, une violence morale ? Dire à une personne qui travaille dans un atelier depuis plus de vingt ans que son poste va être supprimé ou que son usine va être délocalisée uniquement pour des raisons de rentabilité, n’est-ce pas une violence ? Imaginons-nous tous les dégâts psychologiques et financiers que cela peut entraîner pour elle et pour son entourage ? On peut comprendre que les nerfs puissent lâcher ! Certains diront que rien n'excuse la violence. Je suis d'avis que rien ne l'excuse mais on peut la comprendre ou l'expliquer.

Mais la grève - qui est tout à fait légale – n'est-elle pas elle aussi une violence ?
Violence envers les actionnaires qui en quelques jours peuvent voir détruit le fruit de tous leur efforts ou disparaître toutes leurs économies. Violence envers les salariés qui veulent et ont besoin de travailler et verront malgré eux leur bulletin de salaire amputé. Violence envers les clients qui sont pris en otage avec des conséquences quelques fois dramatiques. Appelons un chat un chat : la grève est ni plus ni moins un acte de violence légalisé, banalisé. Alors, bien sûr, pas question de supprimer ce droit de grève qui est un acquis social important ! Mais est-ce normal que le seul recours des salariés pour se faire entendre soit un moyen violent ? N'y aurait-il pas un autre moyen plus civilisé pour que les premiers partenaires de l'entreprise et qui font sa richesse puissent faire valoir leurs intérêts et trouver des solutions sans avoir recours à la violence et au chantage ? Ce moyen, c'est la démocratie dans l'entreprise qui donnera aux salariés un véritable pouvoir de s’opposer à un patron qui ne les respecterait pas ; de s’opposer à des délocalisations ou licenciements abusifs ; de s’opposer à des conditions de travail et à un management inhumain ; ce pouvoir de la démocratie est beaucoup plus fort que le pouvoir de la violence ; il est le fruit de l’évolution de la conscience collective, de la société et des mentalités ; à quand la citoyenneté économique ? Cf. billet n°1 du 23.04.09

dimanche 20 décembre 2009

Copenhague : le sommet de l’égoïsme

On attendait beaucoup de ce sommet qui pour la première fois réunissait 120 chefs d’Etat et de gouvernement pour le plus grand rendez-vous climatique jamais organisé.

Le premier enjeu était de limiter la hausse de la température de la planète à 1,5° C ou 2° C maximum par rapport à 1990, ce qui correspond à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 85% d’ici 2050 par rapport à 1990 pour atteindre l’objectif de 1,5° C et une diminution de seulement 50% pour ne pas dépasser 2° C.
L’autre enjeu était de financer les pays pauvres pour qu’ils puissent eux aussi avoir accès à des énergies propres.
Les discussions furent âpres et finalement ce sommet s’est soldé par une déclaration
politique à minima dans laquelle chaque pays s’est engagé à faire de son mieux mais sans avancer de chiffres.

Pourquoi ce relatif échec ?
Deux principales raisons : le refus de la Chine d’accepter des contrôles et la peur des Etats-Unis que cet engagement les pénalise économiquement et amplifie leur chômage. Il aurait pourtant été certainement possible de trouver un accord, il fallait tout simplement partir de deux constats.

Premier constat :
Les entreprises ne polluent pas pour le plaisir de polluer ; elles polluent parce qu’elles répondent aux besoins de leurs clients : besoin de se déplacer, besoin de se nourrir, besoin de se soigner, besoin de se chauffer, etc. C’est donc sur l’homme en tant qu’individu qu’il faut agir pour réduire les émissions de GES. Mais comme celui-ci est difficilement réceptif à des contraintes éthiques et encore moins à des sanctions financières, ce sont donc les entreprises et les collectivités qui deviennent les interlocuteurs et les acteurs pour limiter les émissions de GES.

Deuxième constat.
Les entreprises ayant de moins en moins de frontières elles peuvent facilement échapper aux contraintes fiscales et écologiques d’un pays en délocalisant ou en créant des sociétés offshores dans des pays où les impositions fiscales sont plus avantageuses et les contraintes écologiques plus souples ou inexistantes. Qui ne connaît le scandale de la manipulation des prix de transfert que les multinationales utilisent pour payer moins d’impôts ? Mais pour les entreprises qui n’opèrent que sur leur sol national, un engagement gouvernemental trop important par rapport à d’autres Etats peut les pénaliser économiquement.

Quelles leçons tirer de ces deux constats ?
Première leçon : c’est sur les entreprises qu’il faut mettre la pression écologique et non sur les Etats.
Deuxième leçon : Il faut dépasser la notion d’Etat et réfléchir plus globalement en ne raisonnant plus sur une planète à 198 pays mais sur une « planète village mondial ». Imposons à toutes les entreprises, quelle que soit leur nationalité ou leur situation géographique, la même réduction de GES. Imposons à toutes les entreprises un impôt mondial pour financer les pays pauvres afin qu’ils puissent investir dans les énergies propres. Le rôle des Etats sera de veiller à la bonne application de ces contraintes et d’encaisser cet impôt mondial. Dépassons nos égoïsmes nationaux et il nous sera alors possible de trouver les réponses pour que la génération d’aujourd’hui permette aux générations futures de vivre sur une planète capable à répondre à leurs besoins.











mardi 15 décembre 2009

Chômage : peut-on l’éviter ?


Le chômage est une des plaies de notre société. Il peut être une atteinte à la dignité de l’homme, il est une dégradation de ses ressources avec des conséquences parfois dramatiques. Tous les gouvernements luttent contre le chômage avec plus au moins de succès. Y a-t-il une fatalité du chômage ou peut-on espérer l’éradiquer un jour ?

Le système capitaliste est basé sur la compétition et qui dit compétition dit des gagnants et des perdants ; dans cette logique, on n’empêchera jamais des entreprises de déposer leur bilan et des salariés de se retrouver au chômage. La compétition nous permet d’avoir le meilleur de la qualité, du prix, du service, mais elle a ses revers. Je voudrais bien suivre tous ceux qui disent « il faudrait interdire de licencier » et savoir s’il portent toujours les mêmes marques de vêtements ou consomment toujours les mêmes marques de produits alimentaires ! Ils sont comme tout le monde : ils zappent en fonction de la dernière promotion ou innovation… Et quand on zappe on crée un emploi d’un côté et on en supprime un de l’autre. Si l’on tient compte de cette logique on comprend que le chômage est inévitable.

Par contre il y a des moyens de le limiter et d’atténuer ses effets désastreux. Ce sont toutes les aides sous différentes formes qui sont apportées (RSA, Allocations chômage, etc.) Certains préconisent le partage du travail et on a vu venir les 35h, idée sympathique mais un peu dérangeante ; d’abord parce qu’elle est imposée ensuite parce qu’elle ne concerne pas tout le monde (professions libérales, commerçants, chefs d’entreprise…) : pourquoi demanderait-on les efforts de solidarité toujours aux mêmes personnes – souvent les plus défavorisées - ? Dans le cadre de la refondation du capitalisme il y aurait certainement d’autres pistes à creuser, par exemple :

Favoriser un meilleur discernement dans les investissements

Est-il urgent et vital de remplacer les hôtesses d’accueil des cinémas par des bornes pour distribuer les billets ? Est-il urgent et vital d’ inciter dans les gares les voyageurs à prendre leurs billets à des distributeurs automatiques ? Est-il urgent et vital de supprimer les hôtesses de caisse des supermarchés au profit de caisses automatiques ? Tous ces investissements dont le gain est infime en regard des dégâts causés ne devraient-il pas être soumis à une imposition dissuasive ?

Favoriser la création d’entreprises citoyennes

telles que « Mosquito Washer » créée par Christophe-Hugues LORIOT, ancien érémiste qui a vécu la galère d’une recherche d’emploi et qui, compte tenu de son expérience, veut donner la chance à des personnes marginales en recherche d’emploi de retrouver leur dignité et des ressources décentes. Il propose donc à des chômeurs longue durée un emploi de pompiste en CDI à temps partiel (24h à 27h par semaine) et leur garantit le Smic horaire. L’objectif n’est pas qu’ils restent pompistes à vie mais de favoriser des contacts à travers leur travail de pompiste avec de futurs employeurs et de retrouver un véritable emploi. Chaque pompiste remet une carte de fidélité avec son nom et au dos le métier qu’il recherche ; s’il trouve un emploi « Mosquito Washer » le libère rapidement et si çà ne marche pas, s’engage à le réembaucher. Cette démarche inscrit les super et hypermarchés clients de « Mosquito Washer » dans une solidarité qui ne peut qu’être profitable à l’image de l’enseigne et leur donne l’avantage d’offrir un service plus complet à leur clientèle.

Inviter les dirigeants à recruter des personnes au chômage longue durée

par la création d’un statut de chômeur longue durée (1 ou 2 ans) avec des avantages à la clé pour l’entreprise qui les embaucherait. Une entreprise bien gérée et qui gagne honnêtement sa vie a toujours une marge de manœuvre pour recruter au-delà de ses besoins un chômeur longue durée - qu’il s’agisse d’un simple ouvrier ou d’un ingénieur - dans une limite raisonnable, bien entendu. Ce qui peut apparaître comme une charge supplémentaire deviendra vite une chance ne serait-ce que par le message très fort de solidarité que l’entreprise fera passer en interne et en externe. Bien sûr, cela va à l’encontre de la sacro-sainte loi de la rentabilité, mais le profit maximum à tout prix a-t-il toujours sa place dans la refondation du capitalisme ?

samedi 5 décembre 2009

Les syndicats : le meilleur et le pire

Invités par l’association des journalistes de l’information sociale, les dirigeants des huit syndicats français ont planché ensemble ce lundi 16 novembre sur l’avenir du syndicalisme.
Au regard des 7,6% de salariés syndiqués – taux le plus bas de l’OCDE et régulièrement en baisse en France notamment - on est en droit de se demander si le syndicalisme tel qu'il existe aujourd'hui peut encore être crédible et efficace longtemps.
Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en question le syndicalisme et la présence syndicale dans les entreprises – ils ont été à l'origine de toutes les grandes avancées sociales : congés payés, semaine de 4Oh... - et dont la nature profonde est de préserver les intérêts des salariés – qu'ils soient ouvriers ou cadres - et de veiller à la bonne application du droit du travail ; mais le syndicalisme ne doit-il pas prendre une autre forme ?
Dans le cadre de la refondation du capitalisme, il est nécessaire de penser comment donner aux syndicats la place qu'ils méritent. Aujourd'hui ils ne représentent que 5% des salariés dans le privé et 1O% dans le secteur public.
Serait-il utopique que l'adhésion syndicale devienne automatique lorsqu'on a un bulletin de salaire ? Libre à chacun évidemment, d'adhérer au syndicat de son choix. On passerait à 1OO % d'adhérents avec tous les avantages conséquents aussi bien pour les syndicats que pour les dirigeants : plus de crédibilité, plus d'efficacité … et - autre avantage non négligeable – pas de discrimination syndicale : le patron aurait du mal à faire la différence entre celui qui adhère à un syndicat pour s'opposer au patron et celui qui adhère à un syndicat parce que c'est obligatoire ; et de plus, cela serait un frein à la politisation du syndicalisme.
Serait-il utopique que le coût d'adhésion au syndicat soit assumé par le CE ou l’entreprise (à négocier) ? Mesure-t-on l'effort financier que cela représente pour un modeste salarié le fait de payer une cotisation syndicale si minime soit-elle ? N'est-ce pas un frein à prendre sa carte syndicale ?
Serait-il utopique que la désignation des représentants syndicaux soit validée par les salariés ? Est-il normal qu’un chef d’entreprise ne puisse pas appliquer un accord d’entreprise validé par l’ensemble des salariés si celui-ci n’est pas signé par le représentant syndical dont la légitimité repose sur une désignation extérieure ?
La refondation du capitalisme passe aussi par la refondation du syndicalisme : mais est-on prêt à l'entendre ?
Il n'y a rien d'utopique dans ces propositions ; c'est une question de bon sens ; mais la nature humaine fait que l'on voudrait que les autres changent et qu'on a du mal à se remettre soi-même en question ; c'est la paille et la poutre...
Anecdote significative : comme vous le savez, suite à mon dépôt de bilan, j'ai dû faire un plan social et dans le souci de transparence et de concertation, j'ai eu avec mon délégué syndical une réunion d'approche à ce sujet ; tout naturellement, je lui ai demandé de collaborer à ce plan social ; sa réponse fut nette : «vous faites ce que vous voulez, mais ne touchez pas à mes adhérents». Sans commentaires !

mardi 1 décembre 2009

Michaël Moore : un prophète moderne

Au-delà de son extraordinaire talent de cinéaste, Michaël Moore est un véritable prophète ; il a l’intuition que ce monde qui marche sur la tête ne pourra pas durer longtemps et qu’il y a urgence à rectifier le tir sous peine d’aller « droit dans le mur ». Au début de son film « Capitalism : a love story » que je vous invite vivement à voir, il fait le parallèle entre la décadence de l’empire romain et celle de « l’empire » américain et j’ajouterai la décadence du monde occidental. Il dénonce « la mafia » de wall-street mais on comprend bien que cette dénonciation s’adresse au monde financier en général. Dans ce film - qui est plus un documentaire qu’un film – on voit des gens ordinaires dont les vies ont été ravagées par le capitalisme ordinaire comme ces fermiers piégés par les subprimes, expulsés du jour au lendemain sans ménagement et prêts à se venger. L’administration Bush n’est pas ménagée et on découvre sa connivence douteuse avec le monde des affaires…

Michaël Moore traite ce film avec humour. Certaines scènes sont irrésistibles de drôlerie. Par exemple, lorsqu’il demande à un courtier ce que sont les produits financiers dérivés, et que devant la complication des explications, dépité, il renonce à comprendre et pose une ultime question « les journalistes sont-ils à même de comprendre ? », « ils en sont incapables » répond le courtier « et si l’un d’eux comprend, on l’embauche à wall-street » ! De même lorsqu’à la fin du film il boucle le périmètre de wall-street avec un long ruban jaune comme en utilise la police américaine et prend son mégaphone pour inviter les responsables à sortir les mains en l’air ! Son côté Don Quichotte nous rend Michaël Moore encore plus sympathique et plus attachant. On a envie de répondre présent à l’appel qu’il nous lance à tous de le rejoindre ; il se sent souvent seul dans ce beau combat.

Un seul regret dans ce film ; Michaël Moore ne propose pas vraiment d’alternatives. Dans son reportage on voit le fonctionnement d’une société dans laquelle tous les salariés sont actionnaires ; mais il ne nous dit pas si c’est vraiment la solution et en plus il n’y a rien de très novateur dans cette démarche.
Très impressionnant aussi le discours de Roosevelt sur les droits de l’homme qui n’a malheureusement pas été suivi d’effets puisqu’il est mort un an après.
Michaël Moore nous fait comprendre que la démocratie est une réponse à cette dictature financière mais il ne l’associe pas à l’entreprise. Et si une des solutions était justement la démocratie dans l’entreprise ? Cf. Billet n°1 du 23.04.09 Merci Michaël Moore pour votre courage, votre talent, votre lucidité.
Comme le dit le « Canard enchaîné », « au bout de ces deux heures on se demande pourquoi il n’y a pas de Michaël Moore français ! ».

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...