lundi 26 octobre 2009

J’ai fait HEC et je m’en excuse


C’est le titre du livre que vient de publier Florence NOIVILLE journaliste au journal « Le Monde », diplômée d’HEC, de Sciences-Po et titulaire d’une maîtrise de droit des affaires. Son ambition dans ce livre n’est pas de stigmatiser une école, mais d’interroger l’esprit des grandes écoles de gestion et de management : l’enseignement des affaires est-il adapté aux enjeux sociaux et environnementaux ? Pour ceci, Florence NOIVILLE a enquêté auprès d’anciens élèves et rencontré des étudiants en cours de scolarité.
J’ai lu ce livre avec « gourmandise » et vous en livre les meilleurs extraits .

« Le propos de ce livre ? Alerter et secouer. Contribuer à rappeler que ce que l’on apprend dans les écoles de management ne peut plus être considéré comme le fondement d’une économie durable, encore moins d’une « politique de civilisation ». Aider à faire en sorte que ce message ne soit pas oublié quand les cours de la bourse seront remontés ». p.18.
« …Pour maximiser ou préserver les profits, la recette que l’on enseigne dans les écoles de management est d’une simplicité biblique : augmenter les revenus et/ou diminuer les coûts. Le problème, c’est que l’on n’apprend jamais jusqu’où l’on peut pousser cette logique simple. L’éthique ou la morale des affaires a peu de place dans les programmes. Pas étonnant si, tout au long de ces vingt cinq années, et en l’absence de variables psychologiques, certaines situations ont pu tourner à la catastrophe ou au scandale pur et simple. » p.37
« Directrice d’une entreprise de formation, Marie porte, elle aussi un jugement très négatif sur l’enseignement reçu à HEC « Pour moi, c’est un enseignement pauvre, appauvrissant, dit-elle ; il y manque furieusement des humanités. ». Lorsqu’on lui demande si, d’après elle, les écoles de commerce ont une responsabilité dans la crise, Marie répond trois fois oui : « Oui, en stoppant la formation humaine et morale des étudiants. Oui, en mettant aux commandes des managers nourris d’élitisme et de culture de la performance. Oui en sur valorisant la réussite économique ». p.52.
« Sans le vouloir, d’autres étudiants Alix et David, me donnent le coup de grâce. Alors que j’évoque avec eux le cours d’éthique des affaires, que j’imagine être désormais être une des pierres angulaires d’un passage à Jouy-En-Josas, l’un d’eux s’étonne : « Je ne crois pas qu’un tel cours existe…En tous cas, pas dans ma majeure ». Dubitatif il ajoute « j’imagine que les avis seraient partagés sur un tel enseignement : qualifié de « pipeau » par certains et de nécessaires par les plus philanthropes. Un autre élève m’apporte la précision recherchée : « le cours d’éthique des affaires n’est pas obligatoire. C’est « un électif seulement ». A mon époque on disait « électif d’ouverture ». Je reste sans voix. Et pour mieux m’achever, Alix m’apprend que le cours sur le commerce équitable a été annulé l’an dernier faute de participants. » p.72

Ces réflexions et ces propos ne m’étonnent pas, moi qui suis intervenu à HEC et qui interviens au quotidien dans les écoles de commerce et d’ingénieurs : Florence NOIVILLE n’exagère rien, c’est bien la triste réalité. Florence NOIVILLE nous dit avoir fait un rêve « I have a dream » que je fais mien pour refonder le capitalisme :

« Je suis sur le campus, on est en 2019 et je reconnais tout, la sortie à Vauhallan, le bâtiment des études ; il me semble pourtant que quelque chose a changé, mais je ne saurais dire quoi : l’école n’est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre ; un élève m’offre de suivre un cours. Un cours de sa majeure « pauvreté ». Pauvreté ? » Oui, m’explique-t-il. Chaque majeure correspond désormais à une question de société : environnement, emploi, santé, pauvreté…je m’étonne ! Les options classiques, finances, marketing, stratégie… ont-elles disparu ? Il m’indique que non, qu’on les retrouve dans tous les cours mais que ces techniques sont mises au service des problèmes qui se posent à l’ensemble du corps social. » p.85.

Merci, Florence NOIVILLE pour ce beau et courageux témoignage !
La refondation du capitalisme passera effectivement par un changement radical de l’enseignement des techniques commerciales. Mais le veux-t-on vraiment ?

lundi 19 octobre 2009

Le syndrome du Titanic : quand les loups se déchaînent

Avec ce film Nicolas Hulot commence à être dérangeant… Tant qu’il parlait de la planète, tout allait bien ; on était admiratif devant ses émissions « Ushuaïa » et devant ses exploits sportifs. La droite l’écoutait, le soutenait et trouvait en lui une caution pour son approche de l’écologie. La gauche le supportait mais sans plus. Mais depuis ce film, rien ne va plus ! Nicolas Hulot attaque frontalement le système capitaliste, la droite se déchaîne et les verts et la gauche sont plutôt gênés. Nicolas Hulot se situe à la gauche de la gauche, à la frontière Besancenot. On ne lui fait plus de cadeaux et j’ai relevé quelques critiques de son film.

Dans le « canard enchaîné » du 07 octobre 09, Jean-Luc Porquet écrit « Mes bien chers frères, n’avez-vous pas mal à la planète ? Nicolas Hulot a mal (…) L’opulence ici, la débine là-bas : tel est le balancement constant de ce film qui déverse sur nous un flot d’images saccadées, hallucinées, nous jetant d’un continent à l’autre, d’une foule à un visage, etc.
A la différence de Yann Arthus-Bertrand, qui du haut de son hélico nous livrait sa synthèse, chiffrait des dégâts infligés à la nature, notre télévangéliste philosophe à la petit semaine (« Chacun de nous est une composante de la galaxie ») explore la grande semoule originelle (« nous sommes des acteurs de quelque chose de beaucoup plus grand »), dénonce le capitalisme sauvage et nous enjoint de nous convertir à la « sobriété heureuse ».
On y croirait presque s’il n’avait accepté de faire sponsoriser son film par le géant EDF, ami bien connu de la sobriété heureuse (et des centrales nucléaires), et s’il ne prenait soin d’épargner ses amis Bouygues le TF1/bétonneur et Sarkozy le chantre de la croissance à aller chercher avec les dents (durables, évidemment).
Au fond, sur quoi débouche ce genre de grandiloquente tirade grenello-compatible ? Sur la taxe carbone à 17euros la tonne… »
Sans commentaire ! Difficile d’être de plus mauvaise foi !

Dans le Figaro du 07 octobre 09 Eric Neuhoff écrit « On ne le répètera jamais assez. Le réchauffement climatique a des conséquences désastreuses : Nicolas Hulot a réalisé un film. Dommage collatéral : il s’est mis à penser. Tous aux abris. C’est « Oui-oui découvre la pollution ». Dans les rôles de Filou et Sournois, le capitalisme et les multinationales (enfin pas toutes : il faut bien préserver certains sponsors). Sur des images de dévastation, la voix de l’auteur assène d’un ton sentencieux de solides banalités. (…) Le commentaire évoque la copie d’un collégien aux dons limités qui aurait beaucoup lu « Télérama ». Dans la marge, le professeur note au feutre rouge : beaucoup d’application, une sincérité évidente, mais manque de maturité. Hulot mélange tout, la crise financière, les marées noires, la sècheresse, les méfaits d’internet. Sa naïveté, qui devrait être touchante, provoque souvent l’hilarité. ». Commentaire petit et mesquin s’il en est !

J’ai vu le film « Le syndrome du Titanic » : ce film est remarquable, criant de vérité ; on le reçoit comme un coup de poing dans la figure ; quel est le message principal que veut nous faire passer Nicolas Hulot ? Je le cite « Les crises écologiques et sociales sont mêlées ; on ne règlera pas la crise écologique sur le dos de la pauvreté ». II remet en question notre petit confort matériel et moral ; il dénonce les dérives du système capitaliste et ceci à juste raison ; en fait, que reproche-t-on à Nicolas Hulot ? D’avoir des sponsors comme Bouygues et EDF ? En quoi cela est-il gênant puisque cela n’empêche pas sa liberté de parole ? Et tant mieux si des sponsors importants lui donnent de tels moyens financiers pour faire passer ses idées ! Cela prouve qu’il a du talent et que ses émissions sont très bonnes.

Pour terminer, je voudrais m’adresser à toi, Nicolas – me permets-tu de te tutoyer ?
Je voudrais te dire combien il faudrait de gens comme toi : lucide mais pas sectaire ; tu as compris l’Essentiel ; tu as bien sûr des détracteurs mais tes amis sont beaucoup plus nombreux ; merci pour ce que tu es et merci d’être la voix de tous ceux qui veulent un monde plus équitable, plus juste, plus humain.

lundi 12 octobre 2009

Le Pape et un curé sur les « barricades »

« Un curé sur les barricades », tel est le titre d'un article de Chloé Aeberhardt consacré au Père Bachet dans le JDD du O6.O9.O9.

L'histoire de Philippe Bachet n'est pas banale ; soixante huit ans, curé de Villemur/Tarn dans la Haute-Garonne, le Père Bachet aurait pu, comme tous ses confrères, se limiter à bien gérer sa paroisse : baptêmes, communions, mariages, enterrements... Mais voilà, le 23 octobre 2OO8, la direction américaine de «Molex» décide - uniquement pour des motivations financières - de fermer le site de Villemur/Tarn, usine spécialisée dans la connectique automobile, avec pour conséquence le chômage pour 283 salariés. Philippe Bachet s'est senti immédiatement concerné : «en tant qu'homme d'Eglise proche de Saint François dAssise, je ne pouvais pas ne pas m'opposer à ce capitalisme odieux (…) Si les américains veulent sa fermeture, c'est pour gagner plus d'argent ; la dignité de ces travailleurs qui se mobilisent jour et nuit pour protéger leurs outils et leur savoir-faire, ils s'en moquent ; et çà, c'est contraire à la doctrine sociale de l'Eglise».
Remonté à bloc, le Père Bachet multiplie les actions de soutien : lors d'une journée 'ville morte' initiée en novembre par le comité d'entreprise de Molex, il sonne symboliquement le glas. Encouragé par son évêque, qui lui a donné son appui, il organise en février un concert au profit des salariés de l'usine avant de participer le 1er mai à la première manifestation de sa vie.
«J'ai hésité à y aller» reconnaît-il « je n'étais pas sûr de m'y sentir à ma place : je ne suis pas un prêtre ouvrier, je ne lutte pas pour des raisons politiques. Mais puisque je m'étais engagé dans ce combat, je trouvais normal de faire les choses jusqu'au bout ; d'ailleurs, Denise Parise (secrétaire du comité d'entreprise de « Molex ».) a apprécié ma présence dans le cortège. A défaut d'avoir des personnalités politiques locales dans leurs rangs, ils avaient un curé!».
Début juillet il écrit une lettre au président de la République. Mi-août, il monte et prend la tête du comité de soutien de Villemur dont le rôle est d'apporter une aide matérielle et morale aux salariés.

A cet article particulièrement sympathique, j’ajouterai des extraits de l’article de Jean-Marie Guenois dans le Figaro du 05.10.09 sur le discours du Pape à Rome inaugurant le second synode sur l’Afrique : « Benoît XVI s’est ainsi attaqué hier à Rome à un certain colonialisme qui continue d’affecter l’Afrique ‘le colonialisme est fini sur le plan politique mais il n’est jamais complètement terminé’ a-t-il lancé dans son homélie. Car ‘le soi-disant premier monde continue d’exporter sur ce continent des rejets spirituels toxiques qui contaminent les populations. Dont une maladie déjà active dans le monde occidental : le matérialisme pratique combiné à une pensée relativiste et nihiliste ».
Un discours plutôt décapant qui remet en question le capitalisme et toutes ses valeurs superficielles.

Quels messages pouvons-nous retirer de ces deux articles ?
Le premier est qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le fait d’être chrétien et la remise en question du système capitaliste.
Le second est que les croyants de tous bords ont plus que les autres le devoir de remettre en question notre société.
Le troisième est qu’on peut avoir des idées de gauche sans être politiquement de gauche.
Cessons de faire l’amalgame entre la gauche et l’anticlérical et de penser que la droite est la seule à défendre des idées religieuses et spirituelles.
Benoît XVI et Philippe Bachet nous en font la démonstration.



mardi 6 octobre 2009

L’Amour : sentiment ou énergie inépuisable ?



Dans « Vivement Dimanche » du 27 septembre dernier, Nicolas HULOT était l’invité d’honneur. L’émission fut passionnante, on a parlé d’écologie, bien sûr, de pauvreté, d’inégalités… A la fin, Michel DRUCKER s’adresse à son invité « pour conclure, je dirai que dans votre film ‘ le syndrome du Titanic’ on s’aperçoit qu’il faut utiliser la seule énergie qui est inépuisable l’énergie solaire ; et si le salut, une partie du salut, venait du soleil ? ». Nicolas HULOT lui répond « il y a une autre énergie qui est renouvelable et inépuisable, c’est l’énergie de l’Amour. Je ne voudrais pas faire de grande phrase mais c’est Luther King qui a dit ‘on est condamnés à s’aimer ou à crever tous comme des imbéciles’. A choisir, autant choisir la première solution ».

On peut se demander le rapport qu’il y a entre l’énergie de l’Amour et la refondation du capitalisme. Tout simplement l’un est le fondement de l’autre.
La pierre angulaire du capitalisme, c’est la loi du marché, la loi de l’offre et de la demande, la loi du plus fort, la loi de la jungle où le plus fort mange le plus faible. Cela est-il compatible avec le respect et la dignité auxquels chaque homme a droit ? L’homme n’est-il pas autre chose qu’un animal ? Et si nous remplacions cette loi du plus fort par celle de la solidarité, celle de l’Amour, n’inventerions-nous pas un ‘monde meilleur’ où l’homme ne serait plus au service de la compétition et de la performance mais une société où la performance et la compétition seraient au service de l’homme ? Francisco Van der Hoff l’a compris en créant le label Max Havelaar qui garantit que le prix payé aux agriculteurs ne dépend pas du cours du marché mais de leurs besoins pour vivre décemment. C’est en posant des actes d’humilité, de générosité, de compassion, d’Amour que nous trouverons des réponses pour refonder le capitalisme.

Mais le mot Amour est-il vraiment bien compris ? Certains l’associent à une relation physique, d’autres aux sentiments, au mieux aux valeurs… Ce qui n’est pas faux, mais on peut avoir de l’antipathie pour quelqu’un et l’aimer ! Heureusement que les médecins ne soignent pas seulement ceux qui leur sont sympathiques ! Mieux encore, on peut sanctionner quelqu’un tout en l’aimant et le respectant : n’est-ce pas la base d’une bonne éducation ?
Et si l’Amour était aussi la prise de conscience que nous habitons tous dans la même maison : la Terre ? La prise de conscience que ce qui rapproche les hommes est beaucoup plus important et n’ a aucune mesure avec ce qui les sépare : la couleur de la peau, la religion, les convictions politiques ? La prise de conscience que nous sommes tous interdépendants et que le bonheur des uns ne peut pas se faire sans le bonheur des autres ? Enfin la prise de conscience que chacun a un sacro-saint devoir de solidarité envers tous sans exception ?

Donner du Sens à sa vie, c’est vivre cet idéal d’Amour dans le don de soi.

«Un jour, quand nous aurons maîtrisé les vents, les vagues, les marées et la pesanteur, nous exploiterons l’énergie de l’Amour. Alors pour la seconde fois dans l’histoire du monde, l’homme aura découvert le feu», message de Teilhard de CHARDIN que les Ecoles de commerce et autres… devraient inscrire à leur programme…

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...