mardi 24 novembre 2009

Sommet de la FAO : un sommet incognito

A Rome au siège de la FAO pour la cinquième fois en treize ans s’est ouvert ce lundi 16 novembre le sommet mondial de l’alimentation et de l’agriculture sur les moyens d’éliminer la faim dans le monde. Les enjeux sont de taille : plus d’un milliard de personnes ne mangent pas à leur faim sur notre planète (leur nombre est en augmentation de 50 millions par an) et quand on sait que d’ici 2050 nous serons plus de 9 milliards sur cette Terre on est en droit de se demander si à terme nous aurons les moyens d’éradiquer le fléau de la faim dans le monde ;

Les précédents sommets sur le sujet ont tous failli à leurs objectif. Les causes sont de deux ordres : non respect des engagement d’aides promis par les pays riches, le peu d’empressement de ces mêmes pays à s’investir dans cette cause et la spéculation sur les denrées alimentaires compte tenu des cours records qui n’ont pas permis aux plus pauvres de s’approvisionner (au printemps 2008, la hausse brutale des matière premières agricoles a provoqué un nombre croissant de manifestations qui ont souvent tourné à l’émeute ; 35 pays ont été secoués par les émeutes de la faim).

Comme on le voit, ce sommet est d’importance. Cependant les pays riches ont-ils pris la mesure de ses enjeux ? Aucun représentants des pays du Nord n’étaient présents sauf Silvio Berlusconi. Cette indifférence des pays riches à se mobiliser pour lutter contre la faim est en soi un scandale majeur. Mais le véritable scandale n’est pas tant que les chefs d’Etats du G8 ne soient pas là mais les raisons de leur absence. Regardons tout simplement les choses en face. La lutte contre la faim n’est pas pour eux de première importance. Nos hommes politiques sont nos élus et le reflet de ce que nous sommes ; ils sont là pour défendre nos intérêts et la faim dans le monde intéresse peu de personnes ; les plus cyniques diront même « heureusement qu’il y a guerres et famines sinon, la Terre ne serait pas assez grande… » ! Les médias emboîtent le pas. L’hebdomadaire très populaire « Paris Match » ne fait même pas état de ce sommet ; les journaux n’y consacrent qu’une demi page à l’intérieur. Quand on voit la différence de médiatisation entre le prochain sommet de Copenhague sur le climat et celui de Rome sur la faim on prend la mesure du problème. Alors pourquoi tant d’indifférence ? Plusieurs réponses possibles : l’éloignement des pays pauvres (il nous serait insupportable de voir des gens mourir de faim dans notre pays), la peur de devoir partager (on sait très bien que ce que l’on donnera sera en moins pour nous) ou tout simplement l’égoïsme forcené lié à la compétition exacerbée.

La refondation du capitalisme passera par une sensibilité accrue à la bonne répartition des richesses dans le monde, par la compréhension qu’à long terme l’enjeu c’est la paix. Alors, pourquoi pas un Grenelle sur la pauvreté ? A quand un protocole mondial avec l’éradication de la faim à 100% comme objectif ?

Je terminerai ce billet par un extrait de l’article de Denis Sassou-Nguesso Président de la république du Congo dans le Figaro du 19 novembre : «Société d’abondance et société de misère doivent conjuguer désormais leurs efforts pour ne plus former qu’une seule humanité unie contre les fléaux que nous avons créés, tels des apprentis sorciers. Seul un désir commun, interétatique, déracinera tous les conflits. Seule une approche fraternelle permettra ce fameux développement durable que nous appelons tous aujourd’hui de nos vœux et dont nous savons qu’il damera définitivement le pion à la famine ».

lundi 16 novembre 2009

La Liberté : droit ou devoir ?


Le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin a été l’occasion d’avoir une réflexion toute particulière sur la liberté : la prise de conscience de son importance pour la dignité de l’homme, un droit essentiel pour chacun.
La liberté c’est notre droit à la libre expression, à pouvoir librement se déplacer, à pouvoir entreprendre, mais c’est aussi tout simplement le droit de vivre : d’avoir de quoi manger, d’avoir un toit, d’avoir accès aux soins quand on est malade.
Mais a-t-on vraiment pris en compte ce droit à vivre quand on sait
qu’en France 1 million de personnes n’ont pas de logement, 8 millions de personnes sont sous le seuil de la pauvreté ;
qu’aux Etats-Unis pays symbole de la liberté 46 millions de personnes n’ont pas accès aux soins faute d’argent
que dans le monde toutes les 6 secondes un enfant meurt de faim ?
Et si la liberté était aussi pour chacun un devoir d’apporter à l’autre la liberté de vivre décemment ?

En économie, la liberté se traduit par le libéralisme.
Mais sans cette notion de devoir, la liberté devient la loi de la jungle, la loi du plus fort où le gros mange le petit et où la publicité devient un outil de manipulation qui paradoxalement nous enlève la liberté de choisir en toute objectivité.

Substituons à cette loi de la jungle la loi de la solidarité qui, pour un chef d’entreprise, devient le devoir d’embaucher des handicapés, le devoir de respecter ses salariés, le devoir de ne pas discriminer, le devoir d’être au service…
Le mot liberté prendrait une toute autre dimension.
C’est ce qu’a compris Francisco Van der Hoff en créant le label Max Havelaar.
La refondation du capitalisme passera par notre capacité à ajouter d’autres règles à la loi du marché pour fixer un cours, des critères de solidarité qui resteront à fixer pour chaque activité ou type de transaction.
Cette démarche est urgente dans nos relations avec les Pays dits pauvres où nous sous payons les matières premières et contribuons à leur appauvrissement.
Et là, nous vivrons vraiment le mot liberté dans toute sa noblesse et dans toute son humanité.

mercredi 11 novembre 2009

Daniel Barenboïm, une belle leçon de management


Dans le Figaro du 14 août j'ai été interpellé par un article de Christian Merlin sur Daniel Barenboïm[1] que j'ai trouvé assez extraordinaire. Je reprends des extraits de cet article : «Ce chef d'orchestre israélien» peu connu du grand public «a fondé en 1999 le West Eastern Divan Orchestra avec son ami Edouard Said historien de la littérature et intellectuel palestinien (...) cette initiative se plaçait d'emblée dans l'héritage de l'humanisme (...) Cet orchestre symphonique réunit pour deux tournées en hiver et en été des musiciens israéliens et arabes (…) Au fil des ans, l'orchestre a su maintenir un nombre égal d'israéliens et d'arabes, le tout renforcé par quelques espagnols (...)». Cet orchestre se produit «dans les plus grandes salles du monde : Berlin, Moscou, Vienne, Milan. Mais ni au Qatar ni au Caire où il aurait dû se produire : concerts annulés pour raison de sécurité (…) Daniel Barenboïm est tout sauf naïf (…) Il sait très bien que son initiative est loin d'être bien vue par les politiques de son pays où «plusieurs députés» n'hésitent pas «à le traiter de traître ou de voyou, les mêmes qui exigèrent qu'il soit déchu de la nationalité israélienne lorsqu'il prit, autre signe fort, un passeport palestinien (…) Convaincu qu'aucune solution militaire ne règlera le conflit (palestino-israëlien), il milite à travers l'exemple de son orchestre, jouant le rôle d'épine dans le pied, d'éveilleur de conscience, celui que jouait autrefois Yehudi Menuhin».
Dans son article, Christian Merlin nous fait part de cette anecdote particulièrement significative : «il fallait le voir au mois d'août dernier, lors du concert de clôture du West Eastern Divan à la salle Pleyel : alors qu'à l'habitude, le chef serre la main du premier violon (en l'occurrence son fils Michaël...), à la rigueur celle des chefs de pupitre ou des cordes, Barenboïm prit vingt minutes pour embrasser chacun des cent musiciens de l'orchestre. Symbole musical aussi : en faisant jouer par son orchestre la musique de Wagner, toujours officiellement interdite en Israël, il rompait une digue. Sans oublier cette expérience bouleversante : alors qu'il avait donné le choix aux musiciens juifs de jouer ou non, il proposa à une jeune Israélienne réticente de quitter l'orchestre parce qu'il la voyait pleurer en jouant Wagner, mais elle lui répondit : 'je ne pleure pas parce que çà me dégoûte, mais parce que je trouve çà beau».
Transposé à l'entreprise, cet exemple est une magnifique leçon de management. Pas d'a priori, pas de lutte de classes, refus de la fatalité du conflit ; beaucoup de simplicité, d'humilité. On pourrait imaginer un chef d'entreprise qui traite ses représentants du personnel, les syndicats, ses salariés... avec autant de respect, les invitant à donner leur avis, les écoutant et faisant d'eux de véritables partenaires, non des adversaires. Mais les esprits sont-ils prêts ? Il y a encore beaucoup de tabous à faire tomber ! La presse quotidienne met en avant les conflits, les chantages... N'y aurait-il pas mieux à faire ? Le «chef d'entreprise» Daniel Barenboïm a créé les conditions pour que chacun se sente reconnu et respecté dans sa différence, soit fier de ce qu'il fait en donnant du sens à sa tâche. C'est un bel exemple de démarche humaniste et d’Amour qui oeuvre pour abattre les murs de la différence, de la haine... qu'on devrait citer dans toutes les écoles de commerce ; tout en développant son orchestre, Daniel Barenboïm a mis en place un outil avec la Paix pour finalité ; c'est une démonstration éclatante qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le développement économique d'une entreprise et sa finalité humaine et sociale. Oui, la refondation du capitalisme passe bien par le changement des mentalités.

[1] Chef d’orchestre israëlien qui, à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, vient de diriger le concert donné par la Staatskapelle à la Porte de Brandebourg à Berlin.

mardi 3 novembre 2009

Quand la loi va à l’encontre du but recherché


Devant le dysfonctionnement du système capitaliste et du peu d’empressement que les entreprises ont à vivre un minimum de civisme et d’éthique, le législateur est obligé d’intervenir pour les contraindre à respecter les règles élémentaires dans le domaine social, sociétal et environnemental.

Gouvernements de droite ou de gauche s’en donnent à cœur joie pour en « rajouter chaque fois une couche» :
En 2010, les employeurs de plus de 20 salariés qui n’embaucheront pas 6% de personnes handicapées devront s’acquitter d’une amende équivalant à quinze fois le SMIC horaire par poste manquant.
En 2010, les entreprises de plus de 50 salariés qui n’auront pas un accord ou un plan d’action améliorant l’emploi des seniors pourront payer une amende représentant 1% de leur masse salariale.
En 2010, les entreprises de 1000 salariés devront avoir engagé ou conclu des négociations sur le stress au travail : si ce n’est pas le cas, des sanctions financières pourraient être envisagées.
En 2010, les sociétés du CAC40 et du SBF120 devront appliquer les règles de bonne conduite des codes Afep-Medef sous peine de législation de la part de l’exécutif.
En 2010, les entreprises devront prévoir l’égalité salariale entre hommes et femmes.
Faute d’accords en nombre suffisant, un bonus-malus n’est pas exclu.

A travers ces quelques mesures, on voit bien que l’étau se resserre autour de l’entreprise et que la marge de manœuvre est de plus en plus réduite pour leurs dirigeants ; qui plus est, ces contraintes sont un facteur de découragement pour beaucoup de chefs d’entreprise et bien sûr pour la création d’entreprise.
Et si, plutôt que d’imposer des lois on donnait aux principaux intéressés que sont les salariés le moyen de défendre leurs intérêts ? Déjà en instaurant une citoyenneté économique où chaque salarié aurait un bulletin de vote pour participer aux choix de leur patron (cf. billet n°1 du 23.04.09), un droit de veto concernant les principales décisions qui engagent l’avenir de l’entreprise (vente totale ou partielle, investissements, délocalisations, etc.).
Ne croyez-vous pas que cela donnerait une bouffée d’oxygène pour l’entreprise et pour les salariés ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les salariés sont suffisamment mâtures pour comprendre qu’il faut quelques fois prendre des décisions difficiles. Arrêtons de faire du racisme intellectuel.
Pas besoin de loi pour faire comprendre à un chef d’entreprise qui serait aussi élu par ses salariés qu’il est de son intérêt de favoriser l’emploi des handicapés et des seniors, de mettre en place des mesures pour limiter le stress, d’avoir une rémunération décente et de pratiquer l’égalité salariale entre homme et femme. Arrêtons d’asphyxier l’entreprise en étant de plus en plus intrusif dans son fonctionnement et imposons-lui des contraintes intérieures fixées librement par les salariés.
Ces mesures de réforme entrent tout à fait dans la refondation du capitalisme et dans l’humanisation de l’entreprise.

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...